CHAPITRE IX
Le secret du coffre
LA PREMIÈRE chose que firent les enfants après le petit déjeuner fut d’aller chercher leur précieux coffret et de l’emporter au fond du jardin, où se trouvait la cabane à outils. Il leur tardait de forcer la serrure de l’étrange boîte. Ils étaient tous de plus en plus convaincus qu’elle renfermait un trésor.
François regarda autour de lui, à la recherche d’un instrument approprié. Il trouva un ciseau à froid et décida que rien ne pouvait mieux convenir pour mener à bien l’opération. Hélas ! sa tentative fut un échec complet : le ciseau à froid glissa et il se fit mal aux doigts. Il essaya alors d’ouvrir le coffret à l’aide d’autres outils mais toujours en vain. Les quatre compagnons étaient consternés.
« Je sais ce qu’il faut faire, déclara finalement Annie. Montons l’objet tout en haut de la maison et laissons-le tomber dans le jardin. Il s’ouvrira sous le choc, du moins je l’espère. »
Les autres trouvèrent l’idée excellente.
« Ça vaut la peine qu’on essaie, opina François. La seule chose qu’il y ait à craindre c’est que le contenu du coffret ne soit endommagé. »
Cependant, comme il ne semblait pas y avoir d’autre solution au problème, le jeune garçon transporta le petit coffre jusqu’à la mansarde qui s’ouvrait juste sous le toit. Il se pencha à la fenêtre. Les autres étaient demeurés dans le jardin, guettant ce qu’il allait faire. François précipita le coffret par la fenêtre, de toutes ses forces. L’objet alla atterrir avec un bruit terrible sur le dallage, juste devant la porte d’entrée.
Celle-ci s’ouvrit presque tout de suite et l’oncle Henri en jaillit comme un boulet de canon.
« Qu’êtes-vous encore en train de faire ? s’écria-t-il. J’espère que vous n’êtes pas assez stupides pour vous lancer des objets à la tête depuis le premier étage. Mais qu’est-ce que je vois là, sur le sol ? »
Les enfants regardèrent le coffret. Le bois en avait volé en éclats, révélant un second coffret de métal, sans doute étanche celui-ci. S’il contenait quelque chose, l’objet n’avait pas dû souffrir de son séjour dans la mer.
Mick se précipita pour ramasser le coffret.
« Je vous ai demandé ce que c’était que cet objet, par terre ! cria l’oncle Henri en s’avançant vers Mick.
— C’est… quelque chose qui nous appartient ! répondit Mick en devenant tout rouge.
— Eh bien, je vous le confisque ! A-t-on idée de me déranger de la sorte ! Donne-moi cette boîte. Où l’avez-vous trouvée ? »
Personne ne répondit. L’oncle Henri fronça si fort les sourcils que ses lunettes faillirent dégringoler de son nez.
« Où l’avez-vous trouvée ? reprit-il en foudroyant du regard la pauvre Annie qui se trouvait le plus près de lui.
— A… à l’intérieur de l’épave ! bégaya la petite fille, épouvantée.
— À l’intérieur de l’épave ! répéta M. Dorsel, visiblement surpris. Vous voulez parler de la vieille épave que la tempête a fait remonter hier ? Oui, j’ai appris ça… Voulez-vous dire que vous l’avez explorée ?
— Oui », avoua Mick.
François, redescendu en toute hâte, venait de rejoindre ses amis. L’intervention de l’oncle Henri le consternait. Ce serait terrible si leur oncle leur confisquait le coffret juste au moment où ils espéraient l’ouvrir. Hélas !
M. Dorsel semblait vouloir mettre sa menace à exécution.
« Cette boîte, déclara le père de Claude, peut contenir quelque chose d’important. »
Ce disant, il prit l’objet des mains de Mick.
« Vous n’aviez pas le droit de fouiller dans cette vieille épave et d’y prendre quoi que ce fût.
— Mais cette épave est à moi, rien qu’à moi ! s’écria Claude sur un ton de défi. Je t’en prie, papa, rends-nous le coffret. Nous venons tout juste de faire sauter la première enveloppe de bois. Qui sait si à l’intérieur nous ne trouverons pas… une barre d’or… ou un trésor du même genre !
— Une barre d’or ! répéta M. Dorsel en haussant les épaules. Quel bébé tu fais ! Jamais une boîte aussi petite ne pourrait contenir chose pareille ! Il est bien plus probable que tu trouveras là-dedans la relation écrite de ce qui est arrivé aux barres d’or en question. À mon avis, le trésor que transportait jadis le vieux navire a été régulièrement remis à qui de droit. J’ai toujours pensé que ce bateau était vide de sa précieuse cargaison lorsqu’il a sombré.
— Oh ! papa, je t’en prie, supplia de-nouveau Claude. Rends-nous le coffret, veux-tu ? »
Dans sa voix tremblaient des larmes. Elle était sûre, tout à coup, que la boîte contenait des papiers capables de leur dire ce qu’était devenu le trésor. Mais, sans un mot, M. Dorsel tourna les talons et disparut dans la maison, emportant l’objet convoité sous son bras.
Annie fondit en larmes.
« Ne me grondez pas d’avoir révélé que nous avions trouvé le coffret à l’intérieur de l’épave ! sanglota-t-elle. Pardonnez-moi ! Oncle Henri m’a fait une telle peur ! Je n’ai pu que lui avouer la vérité !
— Ça va, bébé ! Ne pleure plus ! » dit François en tapotant l’épaule de sa sœur d’un geste réconfortant.
En fait, le jeune garçon bouillait de rage. Il pensait que c’était mal à leur oncle d’avoir ainsi confisqué le coffret.
« Écoutez, murmura-t-il au bout d’un instant. Nous ne pouvons supporter cet état de choses. Il nous faut reprendre possession de cette boîte d’une manière ou d’une autre, et voir ce qu’elle contient. Je suis certain qu’au fond ton père ne s’en soucie guère, Claude. Il a déjà dû se remettre à écrire son livre et a sans doute oublié toute l’histoire. Dès que j’en aurai l’occasion, je me glisserai dans son bureau et je récupérerai l’objet. Tant pis pour moi si je suis pris.
— Entendu ! dit Claude, d’accord avec son cousin. Nous allons tous guetter papa. Il finira bien par sortir ! »
À tour de rôle donc, ils se mirent à surveiller la porte du bureau de M. Dorsel, mais celui-ci ne quitta pas la pièce de toute la matinée.
Finalement, tante Cécile commença à juger bizarre de voir toujours l’un ou l’autre des enfants en faction dans le jardin alors que tous auraient dû se trouver sur la plage.
« Pourquoi ne restez-vous pas ensemble, à jouer ou à vous baigner ? » demanda-t-elle à Mick qui se promenait dans l’allée d’un air désœuvré. « Vous seriez-vous chamaillés, par hasard ?
— Oh ! non, ma tante, bien sûr que non ! » répondit Mick. Il se garda toutefois d’avouer la raison pour laquelle il était dans le jardin.
Un peu plus tard, lorsque Claude vint le relever de son guet, il lui demanda :
« Ton père ne sort-il donc jamais ? Il passe sa vie enfermé !
— Tous les savants font de même », assura Claude comme si elle était au courant des détails de leur existence. « Pourtant, en ce qui concerne papa, je peux bien t’avouer quelque chose : il lui arrive quelquefois de faire une petite sieste pendant l’après-midi ! »
Or, cet après-midi-là, ce fut François qui prit le premier « quart ». Il s’assit sous un arbre et ouvrit un livre. Un instant plus tard, un bruit étrange lui fit lever la tête. Et, tout de suite, il comprit ce que cela signifiait.
« L’oncle Henri est en train de ronfler ! se dit-il à lui-même en jubilant tout bas. Mais oui mais oui… je ne me trompe pas. Je me demande si je ne pourrais pas me faufiler tout doucement dans le bureau et récupérer notre coffret ! »
Il se dirigea sur la pointe des pieds jusqu’à la porte-fenêtre et regarda à l’intérieur. La porte-fenêtre était entrebâillée. Le jeune garçon l’ouvrit un peu plus. Il aperçut son oncle enfoui dans un confortable fauteuil, les yeux clos et la bouche ouverte. Il dormait de tout son cœur ! Chaque fois qu’il respirait, un ronflement lui échappait.
« Il semble plongé dans un profond sommeil, réfléchit François. C’est le moment d’agir. Voici le coffret, là, sur cette table, juste derrière lui. Tant pis, je me risque. Je serai sévèrement puni si l’on me découvre, mais la tentation est trop forte ! »
Il se glissa dans le bureau. M. Dorsel ronflait toujours. À pas de loup, François s’avança jusqu’à la petite table proche du fauteuil de son oncle. Il allongea la main, s’empara du coffret…
Et alors, juste à ce moment critique, un morceau de bois de la première boîte, qui était resté accroché à la doublure de métal, se détacha et tomba par terre avec un bruit sec. M. Dorsel bougea dans son fauteuil et ouvrit les yeux. Vif comme la foudre, François s’accroupit derrière le siège de son oncle. Son cœur battait à se rompre.
« Qu’est-ce que c’est ? » murmura le savant à moitié réveillé.
François conserva une stricte immobilité. Quelques secondes passèrent, aussi longues qu’une éternité. Puis M. Dorsel reprit sa position primitive et ses yeux se fermèrent de nouveau. Bientôt, il se remit à ronfler.
« Ouf ! s’écria mentalement François. Je suis sauvé ! »
Avec lenteur, il se redressa, tenant la boîte pressée contre sa poitrine. Usant de mille précautions il sortit par la porte-fenêtre et se retrouva dans le jardin dont il descendit l’allée en courant. Il ne songea même pas à dissimuler le coffret sous son chandail. Une seule chose lui importait : rejoindre les autres pour leur conter son exploit.
Toujours courant, il atteignit enfin la plage où Claude, Annie et Mick étaient allongés au soleil.
« Victoire ! leur cria-t-il. Victoire ! Je l’ai ! Je l’ai ! »
Les trois enfants se redressèrent et leurs yeux se mirent à briller de joie en apercevant le précieux coffret dans les bras de François. Ils en oubliaient jusqu’aux autres personnes qui se trouvaient comme eux sur la plage. François se laissa tomber à leur côté et sourit joyeusement.
« Ton père dort, expliqua-t-il à Claude. Dagobert, cesse donc de me tirer ainsi par mon short… Qu’est-ce que je disais donc ? Ah ! oui, ton père s’est donc endormi, Claude, et j’en ai profité pour me glisser dans son bureau ! Et savez-vous ce qui est arrivé ! Un morceau de la boîte est tombé sur le plancher et oncle Henri s’est réveillé !
— Grand Dieu ! s’écria Claude, sidérée. Que s’est-il passé ensuite ?
— Je me suis dissimulé derrière son fauteuil et j’ai attendu qu’il se soit rendormi, expliqua François. Alors, bien entendu, j’ai pris la fuite. Maintenant, regardons vite ce qu’il y a à l’intérieur du coffret ! Je ne crois pas qu’oncle Henri ait eu la curiosité d’y jeter un coup d’œil ! »
François avait raison. La petite boîte métallique – en étain semblait-il – était intacte. Son séjour dans l’eau de mer l’avait ternie, mais le couvercle était toujours si hermétiquement ajusté qu’il était impossible de l’ouvrir en s’aidant seulement des mains.
Sans hésiter, Claude tira son couteau et se mit à travailler la fente presque invisible. Petit à petit, le couvercle prit du jeu et, au bout d’une dizaine de minutes, la fillette en vint à bout.
Bouillant d’impatience, les enfants se penchèrent sur le coffret. À l’intérieur se trouvaient de vieux papiers, un livre relié en cuir noir… et rien d’autre ! Pas la moindre barre d’or ! Pas le plus petit trésor ! La déception était cruelle.
« Tous ces objets sont parfaitement secs ! fit remarquer François d’un air surpris. Pas trace d’humidité là-dedans ! Cette boîte d’étain les a conservés intacts. »
Il prit le livre et l’ouvrît.
« C’est le journal du bord ! s’écria-t-il avec enthousiasme. C’est là-dedans que ton trisaïeul inscrivait la relation de ses voyages, Claude ! J’ai du mal à déchiffrer son écriture ! Un véritable gribouillage ! »
Claude, à son tour, s’empara d’un des papiers. « Papier » est d’ailleurs un mot inexact, attendu qu’il s’agissait d’un épais parchemin, jauni par le temps. Elle l’étala sur le sable et entreprit de l’étudier de près. Les autres jetèrent un vague coup d’œil dessus sans pouvoir dire ce qu’il représentait. On eût dit une sorte de carte.
« Peut-être est-ce la carte indiquant l’endroit où le navire devait aller », suggéra François.
Soudain, les mains de Claude se mirent à trembler sur le parchemin et elle leva sur ses compagnons des yeux brillants comme des étoiles.
« Qu’y a-t-il ? s’enquit François, plein de curiosité. As-tu découvert quelque chose ? Voyons, parle ! On dirait que tu as avalé ta langue ! »
Claude secoua la tête et se mit à parler avec volubilité.
« François ! Sais-tu ce que c’est ? C’est un plan de mon vieux château… un plan du château de Kernach à l’époque où il n’était pas en ruine. Voyez-vous ici l’emplacement des oubliettes ? Et regardez… regardez donc ce qui est écrit au coin de ce cachot ! »
D’un index tremblant elle indiquait un point sur l’étrange carte. Les autres se penchèrent pour mieux voir et purent déchiffrer un mot curieux, tracé en lettres démodées : LINGOTS.
« Lingots ! murmura Annie, intriguée. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est la première fois que je vois ce mot ! »
Mais il n’était pas nouveau pour les autres enfants.
« Des lingots ! répéta Mick, enthousiasmé. Mais cela signifie… les fameuses barres d’or, certainement !
— Bien sûr, expliqua François en s’enfiévrant, on donne le nom de lingots à n’importe quelles barres de métal. Mais dans le cas présent, comme nous savons que le vieux navire transportait de l’or et que cet or a disparu, il est évident que les lingots mentionnés ici sont des lingots d’or. Grand Dieu ! Dire que le trésor est peut-être encore caché quelque part dans le sous-sol du château de Kernach ! Oh ! Claude ! Claude ! N’est-ce pas passionnant ? »
Claude approuva de la tête. Elle-même se sentait exaltée au point qu’elle en tremblait toute.
« Si seulement nous pouvions le trouver ! murmura-t-elle. Ah ! si nous avions cette chance !
— En admettant que nous y arrivions, fit remarquer François, ce ne sera pas sans peine. Les recherches seront très difficiles, car le château est en ruine aujourd’hui et envahi par les ronces et les mauvaises herbes. Malgré tout, je ne doute pas que nous finissions par trouver ces lingots. Lingots !… Quel joli mot ! »
Aux oreilles des enfants, en effet, le mot de « lingots » était bien plus évocateur que celui, plus banal, d’or ! Il ne fut donc plus question d’or mais seulement de lingots. Par exemple, le second mot pas plus que le premier n’éveillait le moindre intérêt chez Dagobert. Le chien n’arrivait pas à comprendre pourquoi les enfants avaient l’air si excités. Tout en remuant la queue il fit de son mieux pour essayer de lécher ses habituels compagnons de jeux, mais ceux-ci – chose incroyable ! – ne lui prêtèrent pas la moindre attention. Cela dépassait la compréhension du brave Dago qui, au bout d’un moment, alla s’asseoir tout seul un peu plus loin, les oreilles basses et tournant le dos à ses jeunes maîtres.
Claude l’aperçut soudain et devina qu’il boudait.
« Regardez ce pauvre Dagobert ! s’écria-t-elle. Il ne s’explique pas notre agitation. Dag ! Dago chéri ! Tout va très bien. Ne va pas t’imaginer que tu es puni ou que nous te délaissons. Seulement, Dagobert, nous venons de découvrir le plus beau secret de la terre ! »
Dagobert se mit à bondir, tout joyeux, agitant la queue avec plus de frénésie que jamais. Il semblait ravi que l’on fît de nouveau attention à lui. Tout à coup, il posa sa grosse patte sur la précieuse carte et les quatre enfants le huèrent d’une seule voix.
« Oh ! le vilain ! Veux-tu t’en aller de là !
— Nous aurions été dans de beaux draps s’il avait déchiré ce plan ! » maugréa François. Puis, regardant ses compagnons, il fronça les sourcils. « Qu’allons-nous faire de ce coffret ? demanda-t-il. Je veux dire… Oncle Henri ne peut manquer de s’apercevoir de sa disparition, qu’en pensez-vous ? Il faudrait peut-être le remettre où je l’ai pris.
— D’accord ! répondit Mick. Mais je propose que nous gardions le plan du château. Oncle Henri ignore qu’il se trouvait à l’intérieur puis qu’il n’a pas ouvert cette boîte. Nous y laisserons les autres objets : le vieux livre de bord et les lettres. Tout cela n’a pas grande importance.
— Faisons mieux encore ! suggéra François. Prenons copie de la carte et remettons le parchemin original à sa place. Comme ça, nous n’aurons rien à nous reprocher. »
Les autres applaudirent à cette excellente idée. Puis les quatre enfants rentrèrent à la Villa des Mouettes pour y relever avec soin le plan du château de Kernach. L’opération se déroula dans la cabane à outils, loin des regards indiscrets.
La carte se décomposait en trois parties.
« Cette partie-ci représente les caves et les oubliettes, au-dessous du château, expliqua François. Cette autre est le plan du rez-de-chaussée. Quant à la troisième, elle correspond à la partie supérieure de l’édifice. Ma parole, ton château devait être une magnifique bâtisse en ce temps-là, Claude !… Les cachots occupent tout le sous-sol du château. Je suppose qu’il ne devait pas s’agir d’endroits bien réjouissants. Mais comment diable faisait-on pour y descendre ?
— Il faudrait que nous étudiions le plan d’un peu plus près pour nous en rendre compte, dit Claude. À première vue, cette carte paraît assez embrouillée, mais tout deviendra plus clair lorsque nous la consulterons sur place, au château de Kernach. Elle nous expliquera certainement comment on peut accéder aux souterrains. Ma parole ! Je suis sûre qu’aucun enfant au monde n’a la chance de vivre une aventure aussi palpitante ! »
François rangea avec soin la copie du plan dans la poche de son short. Il avait bien l’intention de ne s’en dessaisir sous aucun prétexte. Ce papier était trop précieux ! Ayant remis le parchemin original dans le coffret, il jeta un coup d’œil en direction de la villa.
« Et à présent, si nous allions rapporter l’objet ? demanda-t-il. Peut-être ton père est-il encore endormi, Claude…
— Essayons toujours ! »
Mais M. Dorsel ne dormait pas. Il était bel et bien éveillé ! Par chance, il avait complètement oublié la boîte. À l’heure du goûter, comme il venait de rejoindre sa famille réunie dans la salle à manger, François sauta sur l’occasion qui s’offrait à lui… Murmurant une vague excuse, il se leva de table et alla remettre le coffret sur la petite table du bureau de son oncle.
En regagnant sa place, il fit un clin d’œil aux autres enfants pour leur signaler que tout allait bien. Tous se sentirent soulagés. L’oncle Henri se montrait si sévère que ses neveux et nièce le craignaient beaucoup et redoutaient d’attirer ses foudres sur leur tête. Annie n’ouvrit pas la bouche. Elle avait peur, si elle parlait, de laisser échapper quelque allusion à Dagobert ou au coffret. Les trois autres se contentèrent d’échanger quelques mots de leur côté. Ils étaient encore à table lorsque le téléphone sonna. Tante Cécile se leva pour répondre.
« C’est pour toi, Henri ! dit-elle à son mari en revenant. Il semble que la vieille épave ait suscité une grande curiosité, non seulement dans le pays, mais plus loin encore. La nouvelle a été vite. Ce coup de fil vient d’un journaliste attaché à un quotidien de Paris. Il désire te poser quelques questions. Lui et quelques-uns de ses confrères sont déjà sur les lieux.
— Eh bien, sois assez aimable pour leur dire que je les recevrai tous à six heures ! » répondit l’oncle Henri.
Sérieusement alarmés, les enfants échangèrent des regards inquiets. Ils espéraient bien que M. Dorsel n’allait pas montrer le coffret aux journalistes. Car alors le secret des lingots d’or ne tarderait pas à être divulgué.
Sitôt après le goûter, François entraîna les trois autres.
« C’est encore une chance que nous ayons pensé à relever le plan du château ! s’écria-t-il. N’empêche que je regrette bien d’avoir remis le parchemin original dans la boîte. À présent, le secret des lingots peut être découvert d’un moment à l’autre ! »